La forêt de Bouconne, toute une histoire

Une forêt bien plus grande il y a 20000 ans

s’étendait sur les terrasses de la Garonne, des Pyrénées à la plaine toulousaine actuelle il y a environ 20000 ans. Des fouilles préventives réalisées lors du projet d’Itinéraire à Très Grand Gabarit ont permis de mettre en évidence des vestiges archéologiques datant du Paléolithique inférieur avec des pierres taillées de type acheuléen sur les sites de Bichou (commune de Montaigut en lisière de forêt) et Labadie en surplomb du ruisseau Gajea à Mondonville. Mais ce n’est qu’au Néolithique que le chasseur cueilleur devenu agriculteur sédentaire commence à défricher la forêt.

Un itinéraire Bordeaux-Jérusalem tracé au cœur de la forêt

Ce déboisement se poursuit au cours des siècles et s’accentue au Moyen Age avec l’activité des communautés religieuses installées à proximité et des riverains. Bouconne (Bucconis) sert de frontière naturelle entre provinces romaines puis entre Languedoc et Gascogne notamment lors de la guerre de 100 ans. En 333, l’« Anonyme de Bordeaux » ou « Pèlerin de Bordeaux » décrt un itinéraire de pèlerinage de Bordeaux (Burdigala) à Jérusalem (Hierusalem) et les lieux sacrés, traversant la forêt, empruntant des voies romaines avec des relais d’étapes « mutatio », dont le mutatio Bucconis proche de L’Isle Jourdain et un autre proche de Léguevin.

Une forêt impériale, royale puis domaniale

Au Moyen Age, la forêt appartient comme Mondonville aux comtes de Toulouse puis à leurs successeurs les seigneurs de l’Isle Jourdain jusqu’au 15e siècle. Au 16e siècle elle revient à Henri de Navarre qui, devenu roi de France, en fait une forêt royale réglementée, ce qu’elle restera jusqu’à 1772 où elle redeviendra privée (famille Du Barry puis comte de Provence) jusqu’à la Révolution française. La forêt sera alors « bien national » avant de devenir « impériale » sous Napoléon 1er, de nouveau « royale » avant de devenir « domaniale » en 1848. Des droits d’usage : pacage (pâture pour les animaux), glandée (ramassage des glands et leur consommation par des porcs), affouage (ramassage du bois), marronnage (coupe de perches pour piquets ou outils) sont accordés par les seigneurs du Moyen Age aux communes environnantes et pour certains à la ville de Toulouse, créant de multiples conflits entre ses différents bénéficiaires et une raréfaction du bois. Au 14e siècle Bouconne restait suffisamment dense pour que le roi Charles VI s’y soit perdu lors d’une chasse (figures ci-dessous).

Comment le roi Charles VI s’est perdu au sein de Bouconne

« Le Roi Charles VI (1368-1422) pendant son séjour à Toulouse, étant allé chasser dans la forêt de Bouconne avec plusieurs Seigneurs de la Cour, fut surpris par la nuit qui était très obscure, et qu'il s'égara. On ajoute que s'enfonçant de plus en plus dans le bois sans pouvoir reconnaître l'endroit où il était, il fit le vœu que s'il pouvait s'échapper du péril où il se trouvait d'offrir le prix de son cheval à la Chapelle de Notre-Dame de Bonne Espérance dans l'église des Carmes. Aussitôt la nuit s'étant éclaircie, il sortit heureusement du bois. Le lendemain il s'acquitta de son vœu, et il fonda en conséquence un Ordre de Chevalerie sous le nom de Notre-Dame-d'Espérance ».

« Mémoires sur l'ancienne Chevalerie » tome III page 258, Juvenal des Urfins en 1380

On cite en preuve une ancienne peinture qu'on voit sur la muraille du Cloître des Carmes de Toulouse, auprès de la Chapelle de Notre-Dame-d ‘Espérance, où un Roi de France est représenté à cheval s'inclinant devant une image de la Vierge

Du XVIe siècle à nos jours

La première partie de cet article a été publiée dans le bulletin municipal de janvier 2023

Une « Réformation générale » pour sauver la forêt

Au XVIe siècle et durant la première moitié du XVIIe la forêt est dans un état lamentable et manque de disparaitre en raison de multiples défrichements. Les loups y font des ravages dans les troupeaux jusqu’à leur extermination au XIXe siècle. Sous Louis XIV une « Réformation Générale » des forêts voulue par Colbert a pour objet d’en réglementer l’utilisation et de préserver les ressources en bois. Dans la région elle est confiée à Louis de Froidour. La restriction des droits d’usage est source de nombreuses contestations locales parfois violentes. Le code forestier remplace en 1827 ces ordonnances.

Evolution de Bouconne : les aménagements du 19ème siècle à aujoud’huit

Des aménagements sont faits pour améliorer l’exploitation forestière et notamment « la Grande Tranchée » (1833) que nous appelons l’allée centrale et qui relie Mondonville à Pujaudran. La forêt est alors quadrillée en lots de 10 hectares (les parcelles actuelles) et des aménagements sont faits pour favoriser le drainage de l’eau et le transport du bois vers Toulouse. La voie de chemin de fer Auch-Toulouse (construite en 1872), qui traverse Bouconne, n’a été utilisée que ponctuellement pour ce transport de même que la voie ferrée passant par Mondonville, en service de 1912 à 1946. De nouvelles routes traversant la forêt sont également tracées dans ce but. En 1873 un champ de tir militaire de 10 hectares est aménagé près du hameau du Gagéa à Mondonville. Alain Fournier, auteur du « Grand Meaulnes », y séjourna en juillet 1909. Depuis le début du XXe siècle l’exploitation de la forêt est complétement indépendante des communes environnantes. 90% du bois est destiné au chauffage. Depuis les années 70 des équipements de loisirs ont été mis en place par le syndicat mixte de Bouconne (base de loisirs, pistes VTT, chemins de randonnée, parcours santé, etc.). En 2001 les usagers, riverains, et défenseurs de l’environnement se sont manifestés contre le projet d’Itinéraire à Très Grand Gabarit longeant la forêt et destiné à transporter les pièces de l’Airbus A380 (une variante passant par l’allée centrale avait été proposée). Plus récemment le succès d’une pétition s’inquiétant du « déboisement » de la forêt confirme la place importante qu’a pris Bouconne auprès des riverains des communes limitrophes, mais aussi de toute l’agglomération. Depuis septembre 2019, l’ensemble de la forêt est classé « Forêt de Protection ».

Le 27 janvier 1944, François Verdier, Chef régional de la Résistance, est assassiné par la Gestapo dans la forêt

François Verdier, Chef régional de la Résistance sous le nom de Forain, a été choisi par le Général De Gaulle pour devenir le chef des Mouvements Unis de la Résistance dans le Sud-Ouest. Bien que torturé par la Gestapo il ne parlera pas et a ainsi permis à son mouvement de perdurer jusqu’à la libération. Une stèle à sa mémoire a été érigée sur la commune de Lasserre-Pradère proche de l’allée centrale.

Références
  • La forêt de Bouconne , Simone Henry . Édition Privat 1942
  • L’Histoire au cœur de l’écrin vert toulousain. La Dépêche du Midi 16/08/2020
  • Bouconne, une histoire turbulente. La Dépêche, 22/02/2020
  • Bouconne au fil du temps. José Fernandez . Editions Racaille 2021
  • Wikipédia.org

Yves Dulac